les affres du Sauveur

De la position de « Victime »

Quand on reçoit les cadeaux du Sauveur, le plus souvent par inadvertance - car nous n’en avons pas encore senti les besoins, et certainement pas fait la demande - les sentiments sont mêlés. D’un coté il y a la joie, gratitude – car ce sont rarement des choses désagréables que nous recevons, mais avec cela nous sentons aussi un léger malaise à peine perceptible … un peu comme si on nous a mis un plat délicieux devant nous, que nous avons mangé, sans trop réfléchir. Nous l’avions peut-être même reconnu comme un de nos plats favoris. Mais nous n’avions pas réellement faim. Alors cette nourriture, aussi bonne et saine qu’elle soit, ne va pas nous nourrir, mais au contraire nous alourdir. Le corps n’y était pas préparé, il a du mal à le digérer. Et si cela se répète, cela va empoissonner notre corps.
De la même façon, peu importe le nombre et la qualité de « cadeaux » que nous recevons, si l’envie, la demande ne vient pas d’abord de nous-mêmes, de l’intérieur de nous, ce que nous recevons de l’extérieur ne peut pas nous nourrir, et même nous empêcher d’évoluer.

Aussi une aide donnée prématurément, ou trop facilement va empêcher notre évolution, même si nous en sentions l’envie !

Un exemple : Imaginons que nous avons l’intention de monter une montagne .. .La route est longue, nous commençons à être essoufflés. Juste à ce moment, un hélicoptère arrive et nous propose de nous déposer au sommet !
Oui, l’offre est trop tentante, et nous sommes contents de l’accepter. Mais une fois au sommet, en contemplant le panorama, aurions-nous le même plaisir profond, que si nous y étions arrivés par nos propres moyens ? Qu’est-ce qui peut remplacer le sentiment de satisfaction, de fierté, de joie de réaliser le défi qu’on s’est posé à nous-mêmes ? C’est dans ce dépassement de soi que nous rencontrons la vraie joie, notre vraie force, nous nous sentons évoluer.
Ce que nous avons surtout besoin, ce n’est pas de quelqu’un qui FAIT pour nous, mais d’une personne qui CROIT en nous. C’est arroser la racine de la plante et pas nous attarder à fabriquer une tutrice pour les feuilles.

Les cadeaux -non demandés- vont nuire aussi à la relation entre le Sauveur et la victime. Ils induisent une culpabilité…Je suis redevable. Le cycle du donner-recevoir est en déséquilibre, quelque chose n’était pas à sa place. Cette énergie négative va, comme un retour de bâtons, creuser, rendre poreux la valeur de la personne elle-même. Elle sentira tout le temps le besoin de se prouver, de prouver d’être à la hauteur. Et un malaise entre les deux s’installe.

Si nous sommes dans la position du Sauveur, nous ne croyons pas dans les capacités de l’autre à pouvoir entendre ses vrais besoins , ses vrais sentiments. Je l’entends souvent dire :
 »Je ne peux pas dire ça à ma mère, je la sens si triste au fond, cela la blesserait trop. » Voilà, qu’est-ce que l’on en sait si cela la blesserait trop ? Si nous le décidons d’avance nous emprisonnons la personne dans NOTRE jugement de lui. Nous l’empêchons d’évoluer, nous ratons des éventuelles prises de conscience. Et plus rien ne peut bouger.
La réalité sous-jacente est que je ne veux pas prendre le risque de ne plus être « aimé » , car je ne serai plus vu comme « gentil, facile à vivre, etc. ». Je crois que pour être aimé, je dois me couper d’une partie de moi-même., la plus authentique : ce que je ressens vraiment, ce dont j’ai vraiment besoin. Et en même temps je consolide une vision négative, infantilisante de l’autre.
« Pour l’amour », je ne dis pas, et je cache ce qui se passe en moi.
Tout ce que nous faisons « pour l’amour » est ce qui tue l’amour.

L’amour n’a pas besoin de camouflage, d’amputation des parties de nous. L’amour EST déjà ! Plus nous faisons confiance à l’autre et à soi-même, plus nous sommes authentiques, plus nous laissons la place à l’amour véritable. Et plus l’amour nous grandit.